La chanson du 18 juin : Sigur Rós - Klettur

L'appel de ce 18 juin, c'est celui des grands espaces, des paysages que la main de l'homme n'a pas encore lacérés. Or peu d'artistes, au cours de leur carrière, ont lancé autant d'invitations au voyage que Sigur Rós, dont chaque morceau est nouvelle exploration d'un lac, d'un volcan, d'un fjord, vibrant à l'unisson de nos douleurs intimes, de nos aspirations profondes ou de nos élans vers l'absolu. La musique du groupe islandais est peut-être, dans l'océan de la créativité humaine, ce qui se rapproche le plus d'une forme de magie mythologique, autant qu'elle est un miroir tendu vers l'infini. Il existe des musiciens aériens, d'autres qu'on qualifie d'extraterrestres, des artistes élémentals, ou chamaniques, ou magmatiques. Mais Sigur Rós, c'est encore différent. 

Il y a quelque chose chez ces gens qui transcende la dimension matérielle et rend leur art à la fois spirituel et peuplé d'influx électriques. Une sorte de singularité qui aspire tout dans son champ gravitationnel, au-delà de quoi plus rien n'est intelligible, ni réductible à la physique. En un mot, c'est miraculeux. Et forcément incomparable. Comme ce merveilleux concert donné à Forest National l'an dernier, dans la foulée d'un retour annoncé en studio. Alors on a attendu... puis sans crier gare, voilà que nous arrive "Átta", album surprise  le premier en dix ans  et petit miracle à sa manière. Si les cordes sont mises à l'honneur, on distingue en revanche très peu de guitares. Aussi, sans retrouver la force de frappe de ses chefs-d'œuvre  on est plus proche de l'ambiance de "Valtari" , Sigur Rós offre une heure de pure élévation où « tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».

Entre traversées subjuguées, horizons désolés et pauses méditatives, on est transporté d'un monde à l'autre à dos de séraphin. C'est épuisant et apaisant à la fois, hors normes évidemment. Klettur est un de ces morceaux que Jónsi Birgisson chante en hopelandic, espèce d'esperanto dérivé de sa langue maternelle, histoire de privilégier la nuance au message. Mais comme l'indique son titre  « falaise » en français , la chanson du jour nous emmène très haut pour mieux nous faire ressentir le vertige de la chute. Longue et lente secousse hypnique, elle nous rappelle aussi que l'aspect surréel de Sigur Rós situe sa musique à la frontière même du rêve éveillé.


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