Dur, dur, d'être un rappeur. On le sait : dans ce game impitoyable et over-saturé, la chose qui compte le plus est d'occuper le terrain non-stop, quitte à fatiguer des fans sursollicités. Savoir se faire désirer est une stratégie qui marche parfois vaguement sur le marché de l'amour – il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes – mais pas celui de la musique à l'ère des plateformes digitales. Il y a quelque temps sur ce site, un certain papa rockeur s'imaginait une postérité où son fils serait devenu « vieux rappeur ». À désormais 30 ans, Roméo Elvis peut prétendre à ce titre et commencer sa longue lutte contre le jeunisme de l'industrie discographique.
Alors, comment s'y prend le king de BX pour garder l'ascendant ? Sa stratégie était déjà connue, Roméo persiste et signe : entre deux albums copieux et plus volontiers mainstream, rien de tel qu'une petite mixtape à l'esprit hip hop pur jus. Voilà comment nous est arrivé "Les Galeries", disque court et nocturne, cri d'amour à la capitale européenne dans sa version pas très carte postale. Le flow est comme toujours très improbable, le ton varié mais souvent léger, les lyrics orientés potes, fumette et egotrip. Tout ça dégage une impression de coolitude absolue et donne envie de traîner avec Elvis et son crew du côté de la place Flagey. (Une Duvel, pour moi.)
On ne sait pas combien de temps l'aîné de la fratrie Van Laeken continuera à jouer ses parties de chat et souris avec son public, mais il a trouvé le role model parfait pour se projeter, dans un futur hypothétique, en grabataire du hip hop chercheur : Iggy Pop, « s'il faut choisir une façon de vieillir ». Hormis une dentition refaite, histoire de pallier des chicots niqués par la coke, il est vrai que le punk du Michigan est un parangon d'invulnérabilité, l'archétype du survivant dont aucune hygiène de vie n'aura jamais pu venir à bout. Alors tant qu'à être le plus rock'n'roll des rappeurs de sa génération, Roméo Elvis peut se permettre quelques rêves de longévité : après tout, il a passé le cap des 27 ans. Plus qu'une option désormais : « on va creuser plus fort ».
Si je peux terminer par une petite parenthèse... Pour la chanson du jour, je ne vous cacherai pas que je suis allé directement interroger la fanbase pour connaître son morceau préféré du projet (je fréquente quotidiennement un ado de 14 ans). Sinon, j'aime aussi beaucoup quelques featurings plus posés, vous m'en direz des nouvelles.
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