La chanson du 19 septembre : Aesop Rock - Mindful Solutionism

Chez certaines personnes qui n'écoutent pas de rap, la discipline est parfois considérée comme un passe-temps de petites frappes à peine alphabétisées. La mauvaise foi des plus rétifs pourrait même les amener à conclure que Solaar et consorts, brillants représentants d'un hip hop hexagonal régulièrement littéraire, constitueraient ainsi des exceptions à l'échelle internationale. Au fond, qu'est-ce qu'on peut bien raconter d'intéressant sur une piste rap à part des histoires de deal en cité et de bagnoles qui brûlent ? Ce ne sont sûrement pas les Américains, chantres de la culture de masse et de l'art bourrin, qui viendront contester ce statut avec leur zik de gros bras. 

Manifestement, il y en a qui n'ont jamais entendu parler d'Aesop Rock. Le New Yorkais, qui régale quelques gourmets depuis plus de vingt ans, est pourtant connu pour être le plus lettré des rappeurs de langue anglaise. Si son storytelling est pour ainsi dire paralittéraire, c'est qu'Aesop traite de thèmes relativement classiques avec un sens aigu de l'image, ouvrant la porte aux interprétations symbolistes et invitant l'auditeur à user d'intuition. 

Moins porté sur l'efficacité que partisan d'un esthétisme proche de la philosophie de « l'art pour l'art », ce monsieur privilégie aussi des productions expérimentales et éclectiques. Son prochain album "Integrated Tech Solutions" est annoncé pour novembre, et on s'attend à ce qu'Aesop Rock y explore encore des territoires nouveaux. En fer de lance du projet, il balance Mindful Solutionism, un abrégé d'histoire de la technologie qui rappellera à certain(e)s les célèbres « 127 shbib's d'épistémologie » chantés en leur temps par le crew KKV. Écouté et approuvé par le chat de Schrödinger, voilà un bon son brut pour les conceptualistes de tout poil.