Suite de notre podcast "Les maisons de disques françaises sont quand même bien crapuleuses". Dans l'épisode d'aujourd'hui, Zazie nous explique comment sortir un EP de 4 titres à la mi-2022, en proposer une version double explicitement intitulée "Aile P" six mois plus tard, et attendre un an de plus pour l'enrichir de 4 nouveaux morceaux en déclarant que ça y est, cette fois l'album est complet. Sans prévenir bien sûr, parce que sinon les gentils clients ne seraient pas passés à la caisse trois fois. Je ne sais vraiment pas quelle part de responsabilité l'artiste doit endosser dans cette mascarade, mais on a du mal à lui laisser tout le bénéfice du doute.
Qu'à cela ne tienne, réécoutons donc cet album assez réussi, sautons la plage 9 – un duo émétique avec Vianney qui fait complètement tache sur le projet – et découvrons la nouvelle plage de clôture de cette version augmentée. Il n'y a rien à faire : elle a beau m'agacer avec certains de ses titres électro-pop mal attifés, Zazie m'épate toujours par la pureté de ses ballades. En termes de grammaire variétoche, c'est là qu'elle se distingue des autres coaches de télé-crochet. Sous le patronage d'Edith Fambuena, dont le nom vous est peut-être inconnu mais à qui la chanson française doit pourtant quelques chefs-d'œuvre, la baronne décoche une nouvelle chanson qui tue.
Quand une carrière s'étend sur trente années, ce n'est plus seulement l'artiste qu'on apprend à connaître, c'est aussi les autres personnages de son schéma narratif. On a ainsi pu voir – ou imaginer – grandir les enfants de quelques interprètes plus impudiques, tels Renaud morgane de sa Lola ou Marka déclarant sa flamme à Angèle. L'effet est comparable à cet épisode de Madame Est Servie où Samantha annonce qu'elle va se marier. Comme on s'est attaché après tant d'années, on est en empathie avec Tony Danza et c'est sacrément dur de voir la petite s'émanciper, parce que c'est aussi ce sentiment de la fuite du temps qui nous pétrifie.
Zazie, elle, nous parle de sa Lola depuis la naissance de cette dernière. Alors comment ne pas avoir la gorge nouée à présent que la chanteuse – qui, à près de 60 ans, a l'élégance d'assumer ses cheveux blancs – nous lâche simplement : « Je sens que le vent a tourné. [...] Il faut que j'apprenne à te laisser. [..] Ton bonheur, tu l'as pas volé. » C'est lacrymal sans être mélodramatique, parce que c'est d'abord une belle leçon d'amour. Un thème peut-être mieux exploité par d'autres mais que Zazie délivre ici avec une superbe délicatesse, sans fioriture inutile. Je conçois difficilement que tout parent, quel que soit l'âge de sa progéniture, puisse y rester insensible.
Commentaires
C'est étrange cette façon de faire monter un EP en neige, comme pour punir ceux qui achètent du support physique. C'est sans doute moins compliqué pour ceux qui se contentent de streamer.