Depuis toujours, les school flicks américains nous présentent des personnages stéréotypés ; entre le capitaine de l'équipe de foot et le président du club d'échecs, la meneuse des pom-pom girls – qui a forcément les cheveux blonds et s'appelle Lindsay – a vite fait son choix. Mais parfois, en s'incrustant dans une soirée pré-bal de promo où il n'a pas été invité, le nerd a des chances de montrer sa vraie personnalité et plaire aux filles inaccessibles. Avant de se faire casser la gueule par toute l'équipe de foot, bourrée au beer pong évidemment. Rodolphe Burger est un peu ce marginal qu'on aime en secret, l'artiste le plus populaire parmi les impopulaires.
Même si Kat Onoma ne se reformera jamais, il nous reste toujours la voix de son chanteur pour exercer son pouvoir d'attraction inexplicable. Et ces dernières années, la carrière solo de Burger a atteint de nouveaux sommets : "Good" et "Environs" étaient ses meilleurs disques depuis trente ans. Encore enclin à partir à l'aventure avec d'autres audacieux, Rodolphe ne délaisse pas pour autant les collaborations WTF. Mais "Mademoiselle" ne fait pas partie de ses disques expérimentaux imbitables. C'est une rencontre, inattendue mais d'autant plus belle, avec deux artistes issus du terreau algérien : le joueur d'oud Mekdi Habbab et le chanteur de raï Sofiane Saidi. Sur papier, c'est improbable ; à l'oreille, c'est juste formidable.
Réénergisé par ses camarades, Rodolphe Burger muscle son jeu et propose un album où le blues ne s'endort jamais. Faisant écho à ses anciennes collaborations avec le regretté Rachid Taha, "Mademoiselle" trouve un équilibre parfait entre exigence et fun. Exemple avec Le Dédain, dont les deux premières minutes solennelles finissent par être rompues par un riff brûlant. Rehaussé de synthés kitsch, le morceau se révèle en fin de compte plein de bonne humeur, comme l'est le raï qu'on connaît par chez nous dans son versant le plus pop. Et si d'aventure la chanson du jour en déroute quelques-un(e)s – à commencer par les fans de Rodolphe Burger –, ce dernier a une très bonne excuse : « Est-ce de ma faute si de ma bouche sortent la salive et le feu ? »
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