La chanson du 6 mars : The Veils - Bullfighter (Hand of God)

The Veils, c'est le plus grand des petits groupes. Pour des raisons qui s'expliquent et sur lesquelles il n'y a pas lieu de revenir, ils n'ont jamais décroché la timbale ; mais le très confortable succès d'estime dont ils jouissent depuis désormais vingt ans leur permet de donner régulièrement de leurs nouvelles, y compris lors de concerts aux antipodes... c'est-à-dire par chez nous puisqu'à l'origine, ils viennent du pays des Hobbits. Ainsi, dans leur catégorie poids plume  tant en termes de ventes d'albums que de public drainé dans les salles  les Veils sont en fait des champions. Leur musicographie a connu peu de disques moyens, et même leurs disques moyens sont meilleurs qu'un best of de Coldplay.

Après l'escapade solo du chanteur et grand démiurge Finn Andrews, dont la relative médiocrité aurait pu constituer l'exception à la règle  sauf qu'une escapade solo ça compte pas  on s'attendait à être déçu par le comeback en collectif, quand bien même ledit comeback était inespéré. Eh bien pardon d'avoir douté, mes mignons. "And Out of the Void Came Love" est un grand album, et pas seulement parce qu'il comprend quinze titres. Tout est bon dans ce cocon, et quiconque aura la bonne idée de s'y blottir pourra constater l'incroyable richesse de ce que le groupe a encore à offrir. On peut ranger cette nouvelle livraison aux côtés des meilleures du passé, au niveau de "Total Depravity" sûrement et pas loin de celui de "Nux Vomica"



Oui, il y a du tube dans le plus pur esprit Veils (No Limit of Stars), des moments suspendus (The World of Invisible Things, Diamonds and Coal), et évidemment de la ballade chatoyante (la sublime Time qui ouvre l'album en état de grâce). Mais ce n'est pas tout... "And Out of the Void Came Love" se révèle particulièrement varié quand surgissent, par exemple, des ambiances de western à la Morricone (Made from Love with Far to Go) ou un pastiche de Leonard Cohen qui vous saisit à la gorge (The Pearl part II, suite d'un morceau de 2013). On a même droit à un tango qu'on rêve déjà de danser une rose entre les dents (fantastique The Day I Meet My Murderer). 



Ajoutez, pour compléter la recette, les indispensables moments plus énervés dans lesquels les harangues de Finn Andrews font toujours mouche. Comme on est lundi, c'est là-dessus qu'on se laisse parce qu'on a tous besoin d'une bonne dose d'énergie pour entamer la semaine, surtout quand on revient de vacances. Si c'est ton cas, grâce à Bullfighter tu pourras appuyer sur le bouton « snooze » une fois de plus et sauter le petit dej'. Plus besoin de ton bol de Frosties : pas de doute, le tigre est déjà en toi.


Commentaires

Marc a dit…
Enorme album dans tous les sens du terme. Et merci de rappeler son album solo que j’avais complétement oublié (même si j’en avais parlé à l’époque…). Petite question, quelles sont les raisons précises de l’insuccès de ce groupe ? Ca fait quand même 20 ans qu’ils tutoient les sommets.
Laurent a dit…
De toute façon, dans ces cas-là c'est souvent la faute à pas de chance, une conjecture défavorable,... Les raisons principales, je les évoquais dans un article le mois dernier : d'abord, ce n'est pas si calibré quand on y pense. Aucun vrai tube, même si le premier album avait tout pour en aligner plusieurs et que 'Not Yet' sur le deuxième aurait dû tout fracasser. Je doute qu'ils aient derrière eux une maison de disques et/ou un managing qui ait mis le paquet en matière de promo (ils ont fait des clips, ces gens ?). Une autre raison, c'est peut-être la nationalité néo-zélandaise. Je pense par exemple aux débuts d'Elbow qui connaissaient le même succès d'estime, sans plus, mais qui tout à coup sont devenus prophètes en leur pays d'Albion (le Mercury Prize, je crois) et pour qui la suite a été pavée de succès malgré des disques toujours exigeants. Accessoirement, le troisième album des Veils est un des moins bons et ils ont sans doute raté le coche du passage à la catégorie supérieure. Depuis, ils sortent tout de manière confidentielle, mal distribuée, et seule la fanbase d'origine continue à les suivre vraiment. D'autant que la musique qu'ils font reste la même et n'est donc clairement pas dans l'air du temps. Bref, la faute à pas de chance.
Marc a dit…
Une histoire connue et classique malheureusement... On avait pensé qu'un groupe comme Shearwater allait décoller quand ils ont été invités à faire les premières parties de Coldplay. Et puis non, ils se sont même fait jeter de leur label. Question Label, The Veils est maintenant sur Ba Da Bing qui a quelques artistes de haut niveau (Sharon Van Etten, Cassandra Jenkins, Cross Records) mais pas taillé pour les larges audiences.

Une semaine et plein d'écoutes plus tard, quel album !