Il y a un petit quelque chose de cynique à mettre en valeur Christophe Miossec avec un morceau qui s'appelle Meilleur Jeune Espoir Masculin. Si le chanteur brestois a longtemps incarné celui sur qui la chanson française devrait sûrement compter, il a de plus en plus progressé dans la pénombre ; quand bien même la reconnaissance publique ne l'a jamais éludé, sa relative timidité et ses prestations scéniques cabossées l'ont dissuadé d'embrasser pleinement la lumière. Toujours sec et buriné, aujourd'hui dégarni, Miossec peut toutefois regarder dans le rétroviseur avec fierté. Avec douze albums au compteur dont pas grand-chose à jeter, ce bonhomme a discrètement apporté sa pierre à l'édifice, et c'est du solide.
Aussi, quand on apprend que sa nouvelle galette s'appelle "Simplifier", on se réjouit de l'imaginer revenir à ses débuts acoustiques. Après tout, "Boire", premier album sorti il y a près de trente ans, est le plus décharné de sa carrière mais aussi, à divers égards et pour bien des fans, le meilleur. Pourtant, si la démarche artistique est effectivement identique – Miossec et un acolyte crédité aux « systèmes modulaires » font tout le taf en système D – la couleur musicale est, quant à elle, très différente. On évolue ici dans des ambiances post-punk et lo-fi qui convoquent pour notre plus grand plaisir l'underground des années 80, et c'est un pur bonheur.
Durant la décennie écoulée, Miossec avait sorti trois disques de qualité mais aucun n'avait réussi à laisser une forte empreinte dans ma mémoire. Je sais déjà que "Simplifier" connaîtra un sort différent. Par son audace et son souci de réinvention, ce disque est à ranger auprès des récentes sorties de route expérimentales de Jean-Louis Murat : il invite aux écoutes répétées grâce à son souci d'éviter la routine pour pimenter la relation. Et comme la plupart des titres ne passent pas la barre des trois minutes, la lassitude ne risque pas de guetter de sitôt.
Au fait, le Meilleur Jeune Espoir Masculin de la chanson n'est autre que l'acteur Gérald Thomassin. Si vous ne situez pas, ça ne fait rien : les paroles de Miossec sonnent comme une page Wikipédia en réalité augmentée. On retrouve ainsi, au travers de sa plume limpide, l'attirance du chanteur pour les faits divers qui vient se conjuguer au récit d'une trajectoire tragique. Une grande œuvre réaliste qui rappelle, avec la simplicité promise et comme le disait mon vieux poteau Balzac, que la vie humaine n'est décidément qu'une vaste comédie.
Commentaires